J’ai assisté le 3 février dernier à un webinar sur « Ateliers Nouveaux Modèles Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération ». Webinar co-organisé par Comité 21 Grand Ouest et IAE Nantes.
J’ai vu un grand intérêt à m’y inscrire, surtout qu’il y avait 2 temps.
Le premier temps était un table ronde animée par Anne LAURENCE avec 3 intervenants de qualité : Nicolas Antheaume représentant IAE Nantes, Nekoé – l’innovation par les services représenté par @Isabelle Jeanneau et Florence Brunet-Chauveau. Lors de cette table ronde, 3 entreprises ont témoigné.
Dans un second temps il y avait 4 ateliers de co-construction au choix. J’ai choisi l’emballage, le plus en lien avec mon métier.
J’avoue que je n’ai pas été déçu. Bravo aux organisateurs et intervenants pour le partage de leur vision et surtout de leur enthousiasme.
Je vais utiliser des abréviations sur cet article :
EF : Economie de la Fonctionnalité.
EFC : Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération.
SABE : Services Associés aux Biens d’Equipement, communément appelé SAV.
Mon objectif sur cette participation était de voir, si en France, nous étions toujours dans des courants de pensées sur des modèles économiques qui ne sont en rien NOUVEAUX.
Plusieurs acteurs communiquent beaucoup sur le sujet. Est-ce un effet de mode ?
Je ne me qualifierais pas d’expert, mais j’ai une réelle expérience dans le domaine.
Depuis plus de 12 ans, j’accompagne des entreprises à faire évoluer leur modèle économique dans les SABE. Auteur de différents ouvrages et d’une bande dessinée sur les SABE. J’ai écrit un livre « L’économie de la fonctionnalité : Mode d’emploi – Des concepts à la mise en œuvre » pour les SABE (ouvrage réservé à nos clients).
Je suis très pragmatique, et la devise de l’entreprise ou je travaille est simple : « Seul le résultat compte ».
Certains de nos clients ont arrêté de publier leurs comptes, car les résultats financiers obtenus (pour les meilleurs), en 3 ans pouvaient donner des idées à leurs concurrents). Pour d’autres, le service contribue autant aux marges de l’entreprise que l’activité commerciale de produits/machines, là aussi, en moyenne sur 3 ans. Rapidement pour l’ensemble des structures que nous accompagnons, le Service devient le premier centre de profit de l’entreprise en moins de 5 ans.
Revenons au webinar, pour faire simple, nous ne sommes pas près de voir beaucoup de modifications des modèles économiques des entreprises en France grâce à l’EFC !
Premier constat, j’ai remarqué un certain manque de connaissances ou de mélange autour de l’EF en général, de ses origines et objectifs. Par exemple j’ai noté quelques remarques :
« Ce qui est important c’est le mieux vivre, la rentabilité c’est pour plus tard pour un projet complet, 7 à 10 ans », « Faire la gratuité des pièces de rechange en échange de service », « La première étape, c’est développer le bien être des collaborateurs, l’argent c’est pour plus tard », …
Si je ne m’abuse, le terme modèle économique, je croyais que c’était le moyen pour une entreprise de gagner de l’argent à court, moyen et long terme.
Dites à des actionnaires ou des fonds de pension américains : « Vous gagnerez de l’argent, mais vraisemblablement bien plus tard »
Si vous développez un nouveau modèle économique, surtout en EF, et que vous ne gagnez pas d’argent rapidement, il doit y avoir une erreur. Sauf si vous êtes une association à but non lucratif.
Nous sommes aux antipodes des bases de l’EF.
Autre exemple, évoquer qu’un abonnement sur le changement de chaussures tous les 2 mois, correspond à l’usage de chaussures ! C’est assez symptomatique du mélange des genres sur l’EF. Ou encore, penser que les machines connectées ne servent qu’à prévenir le curatif, c’est une remarque de l’ancien monde, ou les SAV subissaient l’activité !
En plus, je croyais naïvement que s’occuper du bien être des collaborateurs, c’était le rôle du management.
Second constat, sans doute lié à l’effet de mode évoqué plus haut, ou encore à ce manque de connaissances sur l’EF, on arrive à mettre en opposition Economie et Environnement ! Par exemple, il a été dit à plusieurs reprises : « Pourquoi l’EFC, c’est pour sauver la planète ». Désolé, mais l’EF, c’est une transition d’un modèle économique Capex vers Opex.
Pour faire simple, la réduction de l’utilisation de matières premières (ressources), n’est qu’une conséquence de l’EF. Vérité ou intox ? Aujourd’hui c’est l’un des principaux arguments des partisans de L’EFC, ce que n’est pas à la base l’EF. L’@ADEME a intégré l’EF comme un pilier du développement durable au travers de l’économie circulaire.
Est-ce que cet effet de mode n’est pas lié à des recherches de financements de l’ADEME ? Aujourd’hui il est assez difficile d’obtenir des fonds pour des innovations non technologiques, non digitales. Ces dernières sont facilement finançables par @BPIFrance, ou les régions et d’autres organismes divers et variés, contrairement aux innovations transversales comme l’EF.
Troisième constat réalisé sur l’atelier, le système scolaire forme des étudiants, souvent en décalage avec la réalité des entreprises. L’université de Nantes a développé un outil méthodologique « bm3c2 » pour agir collectivement, repenser le modèle d’affaires, concevoir de nouveaux services, c’est-à-dire aller vers l’EFC.
Bravo pour cette belle initiative. Je ne me place pas en détracteur ou critique, mais mettre la charrue avant les bœufs n’est pas très efficace, et construire une pyramide sur des sables mouvants n’est pas très pérenne. Lors de l’utilisation de l’outil pendant l’atelier, j’ai découvert que des éléments fondamentaux ne sont pas pris en compte dans l’outil, comme l’espace des contraintes ou l’écart d’adoption. De plus, les étudiants brillants qui avaient en charge l’animation de l’atelier EFC, ne semblaient pas connaître les différences entre les 3 modèles d’EF. Ils pensaient utiliser le modèle EFC, alors que pas du tout !
Ce sont ces étudiants qui, demain, vont travailler dans nos entreprises, en partie pour développer l’EF ?
Pour finir, si une entreprise vous propose une transition directement vers l’EFC, fuyez car c’est de l’arnaque ! Sauf si votre priorité est l’écologie décorrélée de l’économie !
Si vous aimeriez participer à un webinar qui explique les tenants et aboutissants de l’EF, et comprendre ce qu’est la transition vers les Services lié au SABE, n’hésitez pas à liker ce poste par un « soutien » (cœur sur main).
Pour mieux comprendre ce qu’est l’innovation servicielle (référentiel de l’OCDE), nous en programmerons un prochainement et ne manquerons pas de vous y inviter.
Si toutefois des contradicteurs ( ou admirateurs 😉) souhaitent échanger sur le fond de cet article, n’hésitez à me contacter.
Christophe PICOT
Chef de projet SAV, SABE et Economie de la Fonctionnalité.