« Une éducation, qui ne consulte jamais les aptitudes et les besoins de chacun, ne produit que des idiots. »
George Sand ; Lettres retrouvées, Hier et aujourd’hui (1848)
Rappel : Le regroupement de plusieurs études nous a permis de constater que l’économie des services associés aux biens d’équipement (véritable levier de croissance) n’est pas intégrée dans la stratégie des entreprises françaises.
Afin de comprendre pourquoi, nous avons engagé une nouvelle étude sur les compétences dans les entreprises en B2B.
Résultat : 40% des besoins en compétences des entreprises industrielles ou péri-industrielles ne sont pas couverts.
Une question s’impose : Notre système de formation et d’éducation doit-il être remis en question ?
La volonté de donner équitablement accès aux études aux enfants d’ouvriers fait une quasi-unanimité en théorie. Mais qu’en est-il dans les faits ?
Si le nombre d’étudiants français ne cesse de grimper au fil des années, les inégalités en fonction de la catégorie socio-professionnelle d’origine de ces derniers persistent. C’est ce que révèle le rapport de l’Observatoire des inégalités.
30 % des jeunes âgés de 18 à 23 ans sont enfants d’ouvriers. Pourtant, seuls 11 % d’entre eux accèdent à un cursus dans l’enseignement supérieur en 2014-2015, soit 1/10.
Nous avons zoomé, dans un premier temps, sur les filières techniques qui sont, hélas, les plus touchées.
Voici quelques résultats …
Prenons l’exemple de la filière BTP et manutention :
- 1 086 jeunes diplômés par an pour un besoin de plus de 1 500 postes pour ce secteur d’activité,
- Baisse significative du nombre d’enseignants formés pour cette filière (fermetures de classes prévisibles),
- Difficultés à recruter et peu d’attractivité pour ces métiers/formations,
- Difficultés à fidéliser les collaborateurs.
Et si ce n’était que la partie visible de l’iceberg !!!
Nous avons déployé une approche sous formes de tables rondes avec des acteurs de l’éducation et de la formation.
Lors de ces tables rondes, nous avons rencontré des professeurs formidables, avec une véritable envie de faire avancer les choses.
L’Education nationale en 4 constats
Premier constat : Dévalorisation des filières techniques en France.
D’après les échanges avec le corps enseignant, il est toujours d’actualité d’orienter les jeunes en difficulté scolaire au collège vers le technique. Cette dévalorisation a créé plusieurs générations de « frustrés ». Cette dévalorisation touche aussi le corps enseignant.
Second constat : Le corps enseignant « technique » est démotivé car il est confronté aux décalages besoins/enseignement et à l’inertie du système éducatif.
Par exemple, les cours interdisciplinaires, c’est une belle idée sur le papier. Cours commun entre un professeur de mathématiques et un professeur de mécanique. La partie mathématique est en inadéquation total avec les besoins de la partie pratique. Dans notre exemple, c’est le calcul des vitesses de transmission dans une boite de vitesse. Des exemples de ce type sont très nombreux.
Troisième constat : Les compétences éducatives
Il ressort de nos entretiens que l’Education Nationale conçoit le diplôme de façon globale au travers de compétences éducatives. L’assemblage de compétences éducatives doit ou devrait correspondre à des compétences professionnelles. Or, il n’y a plus de lien entre ces 2 compétences.
Quatrième constat : Compétences associées à un diplôme
Du point de vue des enseignants, les entreprises ne connaissent pas bien leurs besoins en compétences, et encore moins celles contenues dans les diplômes.
Nous pourrions évoquer d’autres constats, tel que le manque d’accompagnement des enseignants dans l’apprentissage de la pédagogie ou encore la baisse des exigences dans le recrutement des enseignants. Alors que l’interactivité devrait être mise en exergue, nous ne sommes pas près, dans ces conditions, de voir disparaitre les cours magistraux !!!
En conclusion, sur la perception de l’Education Nationale :
- Héritage d’un système lourd à faire évoluer,
- Pas de valorisation des filières techniques, très faible attractivité (côté élève et professeur),
- Approche globale des compétences éducatives au travers d’un diplôme, sans se mettre en adéquation avec les besoins des entreprises en compétences professionnelles.
Un diplôme ne garantit plus des compétences professionnelles. Sur notre exemple de la filière BTP et manutention, sur les 1086 jeunes diplômés, combien sont réellement aux niveaux des besoins des entreprises ?
-
Pas de formation ni de reconnaissance des compétences pédagogiques des enseignants,
- Système de plus en plus en décalage pour couvrir les besoins émergeant des entreprises.
Les VAE :
La Validation des Acquis de l’Expérience, vient d’être assouplie (nouvelle réforme). Mais en vérité, c’est un travail personnel extrêmement lourd et long. L’objectif est d’obtenir au travers de son expérience un diplôme. C’est ce qui explique un taux d’abandon d’un peu plus de 50% en moyenne.
C’est l’approche globale des compétences par rapport à un diplôme qui rend les choses très compliquées.
Les CQP et autres certificats :
Les Certificats de Compétences Professionnelles foisonnent. Beaucoup d’entreprises ont réussi à faire créer des CQP, CQPM ou autres certificats. Ces approches ont été développées pour un métier.
Par rapport aux différents constats prenons l’exemple de 2 CQP :
- CQP Technicien de maintenance des matériels agricoles,
- CQP Technicien de maintenance des matériels de manutention
Les compétences sont similaires, sauf quelles sont dédiées à un métier.
La « compétence logique de dépannage » est-elle différente entre ces métiers ?
Pardon, dans le CQP on parle de « Diagnostiquer un dysfonctionnement » : est-ce une compétence ou objectif ?
Nous constatons une nouvelle fois une absence d’approche globale des compétences.
Le financement : OPCA et financement des formations
Sur cette partie, nous n’aborderons pas les objectifs politiques de la réforme avec le Datadock.
Mais attardons-nous sur des constats factuels de cette nouveauté et des financements.
Le Datadock a pour objectif d’assurer la qualité des organismes de formations : primordial et très pertinent. Or tout le monde s’accorde à dire que c’est avant tout des procédures administratives, voire scolaires. Beaucoup d’organismes de formation ont créé de toutes pièces des documents pour répondre aux critères, sans pour autant vouloir les utiliser.
Un exemple, les CCI : les intervenants ont été informé de l’obligation de mettre en place des évaluations avant et après la formation, en précisant par écrit ou par oral, sans donner de process précis. Pourtant les CCI ont décroché le passe Datadock.
Quels sont les objectifs d’une formation ? La montée en compétences des apprenants.
Alors, à quel moment allons-nous mettre en place des indicateurs de performance dans le taux d’acquisition des compétences par les apprenants ?
Est-ce que l’obligation de présenter un livret d’accueil ou le fait d’avoir établi un catalogue de formation augmente la pertinence des pédagogies mise en place pour l’atteinte des objectifs de l’ensemble des participants à une formation ?
Pour les financements, chaque gouvernement met en place des aides financières ciblées. Bon nombre d’organismes de formation s’engouffrent dans ces créneaux. Effectivement, en règle générale, les chiffres sont bons d’un point de vue nombre de personnes formées.
Y-a-t-il un véritable impact sur l’emploi ou la montée en compétences. Comment est mesurée cette montée en compétence ?
Autre point sur les financements, les Opca refusent toutes les formations assimilées à du coaching.
Prenons l’exemple d’une formation au management, il existe 2 écoles.
La première, le cours magistral. Le formateur donne des principes, et peut les faire mettre en application par les stagiaires. (Financée)
La seconde école, c’est de comprendre le fonctionnement de l’humain, et de dépasser ses propres freins au changement et de faire dépasser ceux des collaborateurs. Cette seconde formation, avec un taux d’acquisition supérieur à la première, montre des « métamorphoses » dans certain cas. (Pas financée)
Conclusion :
Nous comprenons mieux la partie visible de l’iceberg, mais les problématiques sont bien plus profondes.
En partant de constats et sans juger, nous nous apercevons que nous subissons un héritage, peut-être trop lourd à porter.
L’approche globale des compétences, le raisonnement métiers ou diplômes sont des concepts en voie d’extinction ?
Faut-il encore essayer de modifier ou d’améliorer les choses ?
Ne vaut-il pas mieux repartir d’une feuille blanche ?
N’oublions pas que la technologie est et sera de plus en plus présente dans notre quotidien. L’avenir de nos entreprises s’annonce difficile si rien n’est fait d’ici là.
Dans le prochain article, nous nous aurons la même approche, mais du point de vue des entreprises.
Pour toutes informations complémentaires, contactez-nous.
Equipe Cepheus-Innov
Et pour les plus intéressés je vous conseille la lecture de cet article.
Christian Chauvigné et Jean-Claude Coulet, « L’approche par compétences : un nouveau paradigme pour la pédagogie universitaire ? », Revue française de pédagogie [En ligne], 172 | juillet-septembre 2010, mis en ligne le 01 décembre 2014, http://rfp.revues.org/2169